Certaines propositions subordonnées complétives sont conjonctives, c’est-à-dire qu’elles sont introduites par une conjonction de subordination. Celle-ci varie selon la catégorie sémantique du verbe complété (cf. fiche « Les subordonnées complétives. Généralités », de même que la forme de la négation (indiquée ci-dessous en seconde position) et le mode verbal dans la subordonnée.
I. Complétives conjonctives au subjonctif ¶
A) Conjonction ut / ne ¶
Cette construction concerne les verbes de volonté, de souhait, de demande, d’effort / activité et de décision.
Magister suadet discipulo ut illum librum legat.
« Le maître conseille à l’élève de lire ce livre. » (litt. « qu’il lise ce livre »)
Romani effecerunt ne hostes Vrbem inirent.
« Les Romains firent en sorte que les ennemis ne pénétrassent pas dans Rome. »
Rogabamus legatos ne haec verba Caesari referrent.
« Nous priions les ambassadeurs de ne pas rapporter ces / nos paroles à César. » (litt. « qu’ils ne rapportassent pas »)
B) Conjonction ut / ut non ¶
Cette construction concerne exclusivement les verbes d’événement.
Accedit ut omnes milites caperentur.
« Il arriva que tous les soldats fussent capturés. »
Sequitur ut complures amici uenire non potuerint.
« Il s’ensuit que plusieurs amis n’ont pas pu venir. »
C) Conjonction ne / ne non ¶
Cette construction concerne exclusivement les verbes de crainte.
Cicero timuit ne Catilina maius imperium caperet.
« Cicéron craignit que Catilina (n’) acquît trop de pouvoir. »
Le mot « ne » qui peut se trouver en français dans une complétive positive est dit explétif : il ne véhicule pas de sens négatif et prolonge justement la conjonction ne du latin.
Romani uerentur ne milites sui non uincant.
« Les Romains craignent que leurs soldats ne remportent pas la victoire. »
D) Conjonction ne / quin ou quominus ¶
Cette construction concerne exclusivement les verbes d’empêchement et les expressions du doute et de l’impossibilité qui leur sont apparentées.
La conjonction dépend de la forme de la proposition principale :
-
ne si la principale est positive ;
-
quin ou quominus si la principale est négative ou interrogative.
Romani impediunt ne hostes Vrbem ineant.
« Les Romains empêchent les ennemis de pénétrer dans Rome. » (litt. « que les ennemis pénètrent »)
Nihil obstat quin / quominus illam domum emamus.
« Rien n’empêche que nous (n’)achetions cette maison. »
Quis dubitauit quin Æneas in Italia urbem conderet ?
« Qui douta qu’Énée (ne) fonderait une ville en Italie ? »
- Ces différentes propositions sont le plus souvent CO d’un verbe conjugué ou S réel d’une tournure impersonnelle, mais ils peuvent aussi se construire en apposition d’un pronom qui sature la place du complément essentiel ou comme complément d’un nom véhiculant une de ces idées verbales.
Illud cauit dominus ne quis ullam rem e domo raperet.
« Le maître prit garde à cela, (à savoir) que personne n’emportât rien de chez lui. »
Metus nos inuasit ne ille consul non fieret.
« La peur que cet homme ne fût pas élu consul nous assaillit. »
- L’ensemble de ces propositions suit des règles précises et mécaniques de concordance des temps :
Sphère temporelle de la proposition principale | Temps du subjonctif | Relation temporelle exprimée |
---|---|---|
présent / futur | présent | simultanéité / postériorité |
parfait | antériorité | |
passé | imparfait | simultanéité / postériorité |
plus-que-parfait | antériorité |
II. Complétives conjonctives à l’indicatif ¶
Ces complétives sont toujours introduites par la conjonction de subordination quod (originellement pronom relatif à l’Acc.sg. neutre figé).
- De telles subordonnées complétives se rencontrent en des contextes variés, dans un rapport plus lâche et moins marqué avec le sémantisme du verbe principal que les complétives au subjonctif. Leur point commun est de pouvoir toujours être glosées par « le fait que… ».
Ex : Quid accedam quod Verres illa templa quoque uiolavit ?
« À quoi bon ajouter (le fait) que Verrès a profané ces temples-là aussi ? »
Quod milites hostium impetum exspectant mihi malum consilium uidetur.
« (Le fait) Que les soldats attendent l’assaut des ennemis me paraît une mauvaise décision. »
- L’on rencontre en particulier de telles complétives avec les verbes de sentiment ; en cet environnement, elles se confondent avec des subordonnées circonstancielles causales.
Ex : Gaudemus quod amici tres apud nos domi manebunt.
« Nous nous réjouissons de ce que / parce que nos amis resteront trois jours chez nous. »
En français, l’usage de la seule conjonction « que » (au lieu de la locution pronominale relative « de ce que ») impose le subjonctif, donc empêche l’expression spécifique du futur : « Nous nous réjouissons que nos amis restent trois jours chez nous. »
- Le degré le plus lâche de construction de ces complétives réside dans leur emploi en fonction d’accusatif de relation par rapport à l’ensemble de la proposition principale.
Quod ad ius pertinet Verres damnandus est.
litt. « Quant à ce qui concerne le droit, Verrès doit être condamné. » → reformulation possible : « Du point de vue du droit… »
III. Cas particulier : complétives non conjonctives au subjonctif ¶
Quelques verbes peuvent recevoir des complétives non conjonctives au subjonctif (= non introduites par une conjonction de subordination) :
- quelques verbes de volonté ou tournures impersonnelles en concurrence de la proposition infinitive : uelle, nolle, malle, cupere, licet, oportet, necesse est
Caesar uult Pompeius adueniat.
« César veut que Pompée s’approche. »
- quelques verbes d’effort en concurrence d’une complétive conjonctive au subjonctif introduite par ut ou ne : facere, cauere
Ex : Fac uincas.
« Fais en sorte de vaincre. » (litt. « que tu vainques »)
Il s’agit là de la survivance d’une construction archaïque.
IV. Verbes à constructions multiples ¶
Certains verbes peuvent recevoir des complétives de différentes natures, ce qui peut s’accompagner d’une inflexion de sens.
dicere, nuntiare, scribere, respondere, etc. ¶
+ prop. inf. : « dire, annoncer, écrire, répondre que… » (simple transposition d’un contenu déclaratif)
+ interr. indir. : indication du type d’information donné par le contenu des paroles
+ ut / ne + subjonctif OU subjonctif seul : « dire, annoncer, écrire, répondre de… » (expression d’un ordre, d’une volonté, dans une démarche prescriptive)
monere, admonere ¶
+ prop. inf. : « avertir, faire remarquer, rappeler que… » (informatif par rapport à un fait avéré)
+ ut / ne + subjonctif : « avertir de, engager à… » (exhortatif)
rogare ¶
+ ut / ne + subjonctif : « demander de / que… » (prescriptif)
+ interr. indir. : « demander… » (transposition d’une question)
Au sens prescriptif correspondent aussi petere ou postulare, tandis qu’à la transposition d’une question correspondent interrogare ou quaerere.
scire, nescire, ignorare, animaduertere, intellegere, certiorem facere, certior fieri ¶
+ prop. inf. : informatif, transposition d’une réalité avérée ou perçue comme telle
+ interr. indir. : transposition d’un type d’information
uidere ¶
+ prop. participiale (à l’Acc) : « voir que…, voir qqn faire… »
+ prop. inf. : « constater, comprendre, se rendre compte que… »
+ interr. / excl. indir. : « voir, examiner » (la complétive formule l’objet de l’investigation)
+ ut / ne + subjonctif : « veiller à ce que… »
uelle, nolle, malle, cupere, licet, oportet, necesse est ¶
+ inf. seul
+ prop. inf.
+ sub. non conjonctive au subjonctif
(sans inflexion de sens)
statuere, constituere, decernere ¶
+ inf. seul : « décider de… »
+ ut / ne + subjonctif : « décider que… »
+ prop. inf. (plus rare, surtout avec adjectif verbal d’obligation) : « décider que… »
timere, uereri ¶
+ ne / ne non + subjonctif : « craindre que… »
+ interr. indir. : « se demander avec crainte… »
+ inf. seul : « craindre de, ne pas oser… »
dubitare ¶
+ inf. seul : « hésiter à »
+ interr. indir. : « se demander… » (particule an au lieu de -ne le cas échéant)
+ (non) + quin + subjonctif : « ne pas douter que… » ; parfois « ne pas hésiter à… »
verbes de sentiments ¶
+ prop. inf.
+ quod + indic.
(sans inflexion de sens)